
Vu dans les rues de Carcassonne
d'une Fabienne un peu partout...
Lire Aussi |
« Vous avez observé que, depuis que je suis en fonction, il n’y a pas eu une seule interpellation à proximité d’une école, il n’y en a pas eu une seule, ce sont des consignes très strictes que j’ai données parce que j’ai bien compris ce que cela pouvait avoir de traumatisant » : voilà ce que déclarait le ministre de l’immigration et de l’identité nationale le 8 septembre au micro de France Inter. Pourtant, quelques semaines plus tard, la police est venue chercher à l’école trois garçons dont les parents étaient en situation irrégulière.
Cela s’est produit lundi 24 novembre, à Grenoble dans l’Isère. Après avoir passé une nuit au centre de rétention administrative (CRA) de Lyon, la famille Kurtishi, originaire du Kosovo, a été renvoyée à Leipzig en Allemagne.
« Nos enfants ont assisté au départ précipité de trois de leurs camarades (...). Comme nos enfants, nous sommes choqués par cet événement. Nous tenons à exprimer notre profonde indignation face à la présence de la police dans l’enceinte de l’école et face au départ contraint de trois enfants pendant la classe », ont écrit plusieurs parents d’élèves réunis dans un Collectif du jardin de ville, du nom du groupe scolaire concerné. Une réunion est prévue jeudi 4 décembre en fin d’après-midi pour faire le point sur la situation. Une intersyndicale SNUipp, Sud Education, SE-UNSA, FSU, SGEN-CFDT et PAS 38 a exigé des « explications » au préfet et à l’inspectrice d’académie.
La fille de Rachel Catheline était dans la même classe, en CE2, que l’aîné des enfants. Jashko était en primaire, Ricardo et Muhamed à la maternelle, dans l’école d’en face. « Les parents étaient sans papiers. Ils ont été convoqués lundi à la préfecture. On leur a notifié qu’ils étaient sous le coup du règlement Dublin II [selon lequel le premier pays d’accès dans l’Union européenne est considéré comme responsable du traitement de la demande d’asile, dans ce cas l’Allemagne]. De là, ils sont venus à l’école, escortés par la police. Quand ils sont arrivés, la cloche n’avait pas sonné, les enfants étaient encore dans les classes. Le père a récupéré le grand en primaire et la mère est allée chercher les deux petits. Le capitaine de police est entré dans l’enceinte de l’école maternelle », dit-elle. « On savait que quelque chose se tramait, poursuit-elle, puisque le week-end précédent, la maîtresse avait mis un mot dans le cahier de liaison pour dire que Jashko était en cours d’expulsion. On savait qu’on allait devoir se mobiliser, mais on ne savait pas que ça irait si vite. La maîtresse avait demandé aux enfants de faire des dessins pour le petit garçon. Ma fille m’a dit lundi soir qu’elle n’avait pas eu le temps de lui donner le sien parce qu’il était déjà parti. »
Le réseau Education sans frontières (RESF) a été prévenu, la Cimade aussi, « mais il était trop tard », dit Rachel Catheline. Depuis, les parents d’élève peinent à avoir des nouvelles de la famille. Seule l’assistante d’éducation de l’école primaire est parvenue à joindre Jashko alors qu’il était enfermé dans le centre de rétention. Il lui aurait dit qu’il ne voulait pas partir, pas plus que sa famille, mais qu’ils ne pouvaient pas faire autrement.
La directrice de l’école invoque un « droit de réserve »
La version de la préfecture est tout autre. Elle fait état d’une démarche « volontaire » de la famille Kurtishi, ce dont doutent les parents d’élève. Dans une lettre dont ceux-ci ont eu connaissance, le préfet décrit, à sa manière, l’enchaînement des faits : les parents avaient déposé une demande d’asile politique « dès leur arrivée en France, le 11 septembre 2008 » ; les « intéressés » étaient « connus en Allemagne, où ils sont entrés en 2004 » ; le père des enfants « a bien compris que les autorités françaises ne pouvaient pas examiner sa demande d’asile et a donc préféré rejoindre l’Allemagne ». Quant au capitaine de police, c’est, toujours selon le préfet, « la responsable de l’école maternelle » qui lui « a fait signe de venir car elle ne comprenait pas ce que lui disait Mme Kurtishi, et compte tenu du froid a demandé à tous de rentrer dans l’école ». Au CRA de Lyon, où la famille a été conduite, « tous ses droits lui ont, bien sûr, été notifiés, dont la possibilité d’un recours juridictionnel devant le tribunal administratif », assure le préfet, Michel Morin, dans cette lettre. Des informations toutefois difficiles à vérifier puisque la famille n’avait pas d’avocat. Le vol vers l’Allemagne a décollé mardi 25 novembre à 11h30, soit moins de 24 heures après que les enfants ont été sortis de l’école.
Contacté par Mediapart, le préfet estime que les parents d’élève ont été « manipulés » tout en reconnaissant que ses services « auraient pu attendre un peu que l’école soit finie ». « Je ne suis pas là pour faire du chiffre », se défend-il. La directrice de l’école maternelle affirme, elle, qu’elle n’était pas présente le jour de la venue de la police. Elle confirme que « le capitaine est entré sur invitation de quelqu’un de l’école ». Mais, dit-elle, « je ne peux pas vous en dire plus. Adressez-vous à l’inspectrice d’académie de l’Isère, elle nous a demandé d’être prudents. Nous avons un droit de réserve ».
Plusieurs questions restent en suspens : si les parents étaient « volontaires » pour retourner en Allemagne, comme l’affirme la préfecture, pourquoi les fonctionnaires de police n’ont-ils pas attendu la fin des cours pour fixer un rendez-vous à la famille ? Le besoin de se réchauffer du froid suffit-il à expliquer le fait d’entrer dans l’école ? Pour quelle raison la responsable de l’école a-t-elle « invité » le capitaine de police à franchir la porte de l’établissement alors que rien ne l’y obligeait ?
L’histoire de la famille Kurtishi s’inscrit dans un contexte où le principe de l’école comme sanctuaire est insidieusement mis en cause ces dernières années, malgré les engagements répétés du gouvernement. Depuis Jules Ferry, l’instruction est gratuite et obligatoire pour tous les enfants, quelle que soit la situation administrative des parents. Contrevenant à leurs obligations, les services municipaux demandent parfois, lors des inscriptions, des documents justifiant la légalité du séjour en France. En octobre dernier, une mère sans papiers a ainsi été convoquée au commissariat après avoir été dénoncée par un employé de la mairie du Ve arrondissement de Paris.
L’école, par ailleurs, est censée être protégée de l’intrusion des forces de l’ordre. Une circulaire du 29 mai 1996 de l’Éducation nationale (n°96-156 - BO n°23 du 6 juin 1996) précise que c’est au proviseur, au principal ou au directeur d’école qu’il revient d’apprécier si « des personnes tierces au service » peuvent entrer à l’intérieur de l’établissement. Au regard de ce texte, la seule obligation légale d’ouvrir les portes à des agents de police concerne une intervention fondée sur commission rogatoire d’un juge d’instruction ou dans le cadre d’un flagrant délit. Ce qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’aller chercher des enfants pour qu’ils soient reconduits à la frontière avec leurs parents. En mars 2007, une directrice d’école à Paris s’est ainsi opposée aux forces de l’ordre venues interpeller un grand-père en situation irrégulière à la sortie des classes. Accusée d’outrage et de dégradations sur une voiture de police, elle avait été longuement placée en garde à vue. Face aux protestations de la plupart des candidats à la présidentielle, alors en campagne, les poursuites avaient été abandonnées et le ministère de l’intérieur indiquait peu après aux préfets qu’aucune mesure d’éloignement d’étrangers sans papiers ne devait donner lieu à des interpellations dans les écoles ou à leur proximité.
Enfin, à la suite d’une intense mobilisation depuis 2004 par RESF, Nicolas Sarkozy s’était engagé, en 2006, à ce qu’il n’y ait pas de reconduites à la frontière pendant l’année scolaire en cours. Un principe qui n’a été considéré comme valable que pendant un an. L’année suivante, Brice Hortefeux a craint, en septembre, que les objectifs de retours forcés ne soient pas atteints. Au même moment, l’inspecteur d’Académie du Haut-Rhin envoyait aux 850 écoles des départements un mail leur demandant de signaler les élèves scolarisés sans papiers.
Madame, Monsieur,
Sympathisante de l'organisation internationale Survival, je me permets de vous écrire aujourd'hui pour appeler votre pays à agir en faveur des Papous de Papouasie Occidentale. Les Papous ont le droit de vivre en paix sur leur terre et de voir leurs droits territoriaux protégés. Les violations des droits de l'homme dont ils sont victimes ne doivent pas demeurer impunies. L'organisation soutient l'opposition papoue à tout projet destructeur de leur terre comme celui de la compagnie Scott Paper qui voulait installer des plantations de pâte à papier sur la terre des Auyu. En mon nom propre et au nom de tous les membres de Survival, je vous appelle à entamer un dialogue avec les Papous afin que ceux-ci puissent décider de leur propre mode de vie et de leur avenir.
Je compte sur votre sens de la justice pour améliorer la situation des droits de l'homme, de tous les hommes, vivant sur votre territoire.
Soyez assuré, Madame, Monsieur, de l'expression de mes meilleurs sentiments.
Appel à témoin de Patrick Mohr
Son procès aura lieu le 13 octobre, à 8h30 à Avignon. Il cherche des témoins et surtout des photos ou films de la scène. Si vous avez fréquenté le festival cet été, fin juillet, ou si vous connaissez du monde qui y était, contactez-le (theatrespirale@bluewin.ch) et/ou faites tourner le message. Merci
Je m'appelle Patrick Mohr. Je suis né le 18 septembre 1962 à Genève. Je suis acteur, metteur en scène et auteur. A Genève je dirige une compagnie, le théâtre Spirale, je co-dirige le théâtre de la Parfumerie et m'occupe également du festival « De bouche à oreille." Dans le cadre de mes activités artistiques, je viens régulièrement au festival d'Avignon pour y découvrir des spectacles du « in » et du «off, Notre compagnie s'y est d'ailleurs produite à trois reprises. Cette année, je suis arrivé dans la région depuis le 10 juillet et j'ai assisté à de nombreux spectacles.
Le Lundi 21 juillet, je sors avec mon amie, ma fille et trois de ses camarades d'une représentation d'une pièce très dure sur la guerre en ex- Yougoslavie et nous prenons le frais à l'ombre du Palais des Papes, en assistant avec plaisir à un spectacle donné par un couple d'acrobates. A la fin de leur numéro, je m'avance pour mettre une pièce dans leur chapeau lorsque j'entends le son d'un Djembé (tambour africain) derrière moi. Etant passionné par la culture africaine, (J'y ai monté plusieurs spectacles et ai eu l'occasion d'y faire des tournées) je m'apprête à écouter les musiciens. Le percussionniste est rejoint par un joueur deKamele Ngoni. (Sorte de contrebasse surtout utilisée par les chasseurs en Afrique de l'Ouest.)
A peine commencent-ils à jouer qu'un groupe de C.R.S se dirige vers eux pour les interrompre et contrôler leur identité. Contrarié, je me décide à intervenir. Ayant déjà subit des violences policières dans le même type de circonstances il y a une vingtaine d'année à Paris, je me suis adressé à eux avec calme et politesse. Le souvenir de ma précédente mésaventure bien en tête. Mais je me suis dit que j'étais plus âgé, que l'on se trouvait dans un haut lieu culturel et touristique, dans une démocratie et que j'avais le droit de m'exprimer face à ce qui me semblait une injustice. J'aborde donc un des C.R.S et lui demande : « Pourquoi contrôler vous ces artistes en particulier et pas tous ceux qui se trouvent sur la place? » Réponse immédiate. « Ta gueule, mêle-toi de ce qui te regardes! « Justement ça me regarde. Je trouve votre attitude discriminatoire. » Regard incrédule.
« Tes papiers ! » « Je ne les ai pas sur moi, mais on peut aller les chercher dans la voiture.»
« Mets-lui les menottes ! »
« Mais vous n'avez pas le droit de.. »
Ces mots semblent avoir mis le feu aux poudres.
« Tu vas voir si on n'a pas le droit.»
Et brusquement la scène a dérapé. Ils se sont jetés sur moi avec une sauvagerie inouïe. Mon amie, ma fille, ses camarades et les curieux qui assistaient à la scène ont reculé choqués alors qu'ils me projetaient au sol, me plaquaient la tête contre les pavés, me tiraient de toutes leurs forces les bras en arrière comme un poulet désarticulé et m'enfilaient des menottes. Les bras dans le dos, ils m'ont relevé et m'ont jeté en avant en me retenant par la chaîne. La menotte gauche m'a tordu le poignet et a pénétré profondément mes chairs. J'ai hurlé :
« Vous n'avez pas le droit, arrêtez, vous me cassez le bras ! »
« Tu vas voir ce que tu vas voir espèce de tapette. Sur le dos ! Sur le ventre ! Sur le dos je te dis, plus vite, arrête de gémir ! »
Et ils me frottent la tête contre les pavés me tordent et me frappent, me traînent, me re-plaquent à terre. La foule horrifiée s'écarte sur notre passage. Mon amie essaie de me venir en aide et se fait violemment repousser. Des gens s'indignent,sifflent, mais personne n'ose interrompre cette interpellation d'une violence inouïe. Je suis traîné au sol et malmené jusqu'à leur fourgonnette qui se trouve à la place de l'horloge 500 m plus bas. Là, ils me jettent dans le véhicule, je tente de m'asseoir et le plus grand de mes agresseurs (je ne peux pas les appeler autrement), me donne un coup pour me faire tomber entre les sièges, face contre terre, il me plaque un pied sur les côtes et l'autre sur la cheville il appuie de tout son poids contre une barre de fer. « S'il vous plait, n'appuyez pas comme ça, vous me coupez la circulation. »
« C'est pour ma sécurité ». Et toute leur compagnie de rire de ce bon mot. Jusqu'au commissariat de St Roch. Le trajet est court mais il me semble interminable. Tout mon corps est meurtri, j'ai l'impression d'avoir le poignet brisé, les épaules démises, je mange la poussière. On m'extrait du fourgon toujours avec autant de délicatesse. Je vous passe les détails de l'interrogatoire que j'ai subi dans un état lamentable. Je me souviens seulement du maquillage bleu sur les paupières de la femme qui posait les questions.
« Vous êtes de quelle nationalité ? » « Suisse. »
« Vous êtes un sacré fouteur de merde »
« Vous n'avez pas le droit de m'insulter »
« C'est pas une insulte, la merde » (Petit rire.)
C'est fou comme la mémoire fonctionne bien quand on subit de pareilles agressions. Toutes les paroles, tout les détails de cette arrestation et de ma garde à vue resterons gravés à vie dans mes souvenirs, comme la douleur des coups subits dans ma chair. Je remarque que l'on me vouvoie depuis que je ne suis plus entre les griffes des CRS.
Mais la violence physique a seulement fait place au mépris et à une forme d'inhumanité plus sournoise. Je demande que l'on m'ôte les menottes qui m'ont douloureusement entaillé les poignets et que l'on appelle un docteur. On me dit de cesser de pleurnicher et que j'aurais mieux fait de réfléchir avant de faire un scandale. Je tente de protester, on me coupe immédiatement la parole. Je comprends qu'ici on ne peut pas s'exprimer librement. Ils font volontairement traîner avant de m'enlever les menottes. Font semblant de ne pas trouver les clés. Je ne sens plus ma main droite.
Fouille intégrale. On me retire ce que j'ai, bref inventaire, le tout est mis dans une petite boîte.
« Enlevez vos vêtements ! » J'ai tellement mal que je n'y arrive presque pas.
« Dépêchez-vous, on n'a pas que ça à faire. La boucle d'oreille !»
J'essaye de l'ôter sans y parvenir. « Je ne l'ai pas enlevée depuis des années. Elle n'a plus de fermoir. »
« Ma patience à des limites vous vous débrouillez pour l'enlever, c'est tout ! » Je force en tirant sur le lob de l'oreille, la boucle lâche.
« Baissez la culotte ! »
Je m'exécute. Après la fouille ils m'amènent dans une petite cellule de garde à vue. 4m de long par 2m de large. Une petite couchette beige vissée au mur. Les parois sont taguées, grattées par les inscriptions griffonnées à la hâte par les détenus de passage. Au briquet ou gravé avec les ongles dans le crépis. Momo de Monclar, Ibrahim, Rachid, .. chacun laisse sa marque
L'attente commence. Pas d'eau, pas de nourriture. Je réclame en vain de la glace pour faire désenfler mon bras. Les murs et le sol sont souillés de tâches de sang, d'urine et d'excréments. Un méchant néon est allumé en permanence. Le temps s'étire. Rien ici qui permette de distinguer le jour de la nuit. La douleur lancinante m'empêche de dormir. J'ai l'impression d'avoir le cœur qui pulse dans ma main. D'ailleurs alors que j'écris ces lignes une semaine plus tard, je ne parviens toujours pas à dormir normalement.
J'écris tout cela en détails, non pas pour me lamenter sur mon sort. Je suis malheureusement bien conscient que ce qui m'est arrivé est tristement banal, que plusieurs fois par jour et par nuit dans chaque ville de France des dizaines de personnes subissent des traitements bien pires que ce que j'ai enduré. Je sais aussi que si j'étais noir ou arabe je me serais fait cogner avec encore moins de retenue. C'est pour cela que j'écris et porte plainte. Car j'estime que dans la police française et dans les CRS en particulier il existe de dangereux individus qui sous le couvert de l'uniforme laissent libre cour à leurs plus bas instincts. (Evidement il y a aussi des arrestations justifiées, et la police ne fait pas que des interventions abusives. Mais je parle des dérapages qui me semblent beaucoup trop fréquents.)
Que ces dangers publics sévissent en toute impunité au sein d'un service public qui serait censé protéger les citoyens est inadmissible dans un état de droit.
J'ai un casier judiciaire vierge et suis quelqu'un de profondément non violent, par conviction, ce type de mésaventure me renforce encore dans mes convictions, mais si je ne disposais pas des outils pour analyser la situation je pourrais aisément basculer dans la violence et l'envie de vengeance. Je suis persuadé que ce type d'action de la police nationale visant à instaurer la peur ne fait qu'augmenter l'insécurité en France et stimuler la suspicion et la haine d'une partie de la population (Des jeunes en particulier.) face à la Police. En polarisant ainsi la population on crée une tension perpétuelle extrêmement perverse.Comme je suis un homme de culture et de communication je réponds à cette violence avec mes armes. L'écriture et la parole.
Durant les 16h qu'a duré ma détention, (avec les nouvelles lois, on aurait même pu me garder 48h en garde à vue) je n'ai vu dans les cellules que des gens d'origine africaine et des gitans. Nous étions tous traité avec un mépris hallucinant. Un exemple, mon voisin de cellule avait besoin d'aller aux toilettes. Il appelait sans relâche depuis près d'une demi heure, personne ne venait. Il s'est mis à taper contre la porte pour se faire entendre, personne. Il cognait de plus en plus fort, finalement un gardien exaspéré surgit.
"Qu'est ce qu'il y a ? » « J'ai besoin d'alleraux chiottes. »
« Y a une coupure d'eau. » Mais j'ai besoin. »
« Y a pas d'eau dans tout le commissariat, alors tu te la coince pigé. »
Mon voisin qui n'est pas seul dans sa cellule continue de se plaindre, disant qu'il est malade, qu'il va faire ses besoins dans la cellule.
« Si tu fais ça on te fait essuyer avec ton t-shirt. » Les coups redoublent.
Une voix féminine lance d'un air moqueur,
« Vas-y avec la tête pendant que tu y es. Ca nous en fera un de moins. »
Eclats de rire dans le couloir comme si elle avait fait une bonne plaisanterie.
Après une nuit blanche vers 9h du matin on vient me chercher pour prendre mon empreinte et faire ma photo. Face, profil, avec un petit écriteau, comme dans les films. La dame qui s'occupe de cela est la première personne qui me parle avec humanité et un peu de compassion depuis le début de ce cauchemar.
« Eh bien, ils vous ont pas raté.C'est les CRS, ha bien sur. Faut dire qu'on a aussi des sacrés cas sociaux chez nous. Mais ils sont pas tous comme ça.» J'aimerais la croire.
Un officier vient me chercher pour que je dépose ma version des faits et me faire connaître celle de ceux qui m'ont interpellé. J'apprends que je suis poursuivi pour : outrage, incitation à l'émeute et violence envers des dépositaires de l'autorité publique. C'est vraiment le comble. Je les aurais soi disant agressés verbalement et physiquement. Comment ces fonctionnaires assermentés peuvent ils mentir aussi éhontement ? Je raconte ma version des faits à l'officier. Je sens que sans vouloir l'admettre devant moi, il se rend compte qu'ils ont commis une gaffe.
Ma déposition est transmise au procureur et vers midi je suis finalement libéré. J'erre dans la ville comme un boxeur sonné. Je marche péniblement. Un mistral à décorner les bœufs souffle sur la ville. Je trouve un avocat qui me dit d'aller tout de suite à l'hôpital faire un constat médical. Je marche longuement pour parvenir aux urgences ou je patiente plus de 4 heures pour recevoir des soins hâtifs. Dans la salle d'attente, je lis un journal qui m'apprend que le gouvernement veut supprimer 200 hôpitaux dans le pays, on parle de couper 6000 emplois dans l'éducation. Sur la façade du commissariat de St Roch j'ai pu lire qu'il allait être rénové pour 19 millions d'Euros. Les budgets de la sécurité sont à la hausse, on diminue la santé, le social et l'éducation. Pas de commentaires.
Je n'écris pas ces lignes pour me faire mousser, mais pour clamer mon indignation face à un système qui tolère ce type de violence. Sans doute suis-je naïf de m'indigner. La plupart des Français auxquels j'ai raconté cette histoire ne semblaient pas du tout surpris, et avaient connaissance de nombreuses anecdotes du genre. Cela me semble d'autant plus choquant.
Ma naïveté, je la revendique, comme je revendique le droit de m'indigner face à l'injustice. Même si cela peut paraître de petites injustices. C'est la somme de nos petits silences et de nos petites lâchetés qui peut conduire à une démission collective et en dernier recours aux pires systèmes totalitaires. (Nous n'en sommes bien évidement heureusement pas encore là.) Depuis ma sortie, nous sommes retournés sur la place des papes et nous avons réussi à trouver une douzaine de témoins qui ont accepté d'écrire leur version des faits qui corroborent tous ce que j'ai dit. Ils certifient tous que je n'ai proféré aucune insulte ni n'ai commis aucune violence. Les témoignages soulignent l'incroyable brutalité de l'intervention des CRS et la totale disproportion de leur réaction face à mon intervention.
J'ai essayé de retrouver des images des faits, mais malheureusement les caméras qui surveillent la place sont gérées par la police et, comme par hasard elles sont en panne depuis début juillet. Il y avait des centaines de personnes sur la place qui auraient pu témoigner, mais le temps de sortir de garde à vue, de me faire soigner et de récupérer suffisamment d'énergie pour pouvoir tenter de les retrouver. Je n'ai pu en rassembler qu'une douzaine. J'espère toujours que peut être quelqu'un ait photographié ou même filmé la scène et que je parvienne à récupérer ces images qui prouveraient de manière définitive ce qui c'est passé.
Après 5 jours soudain, un monsieur africain m'a abordé, c'était l'un des musiciens qui avait été interpellé. Il était tout content de me retrouver car il me cherchait depuis plusieurs jours. Il se sentait mal de n'avoir rien pu faire et de ne pas avoir pu me remercier d'être intervenu en leur faveur. Il était profondément touché et surpris par mon intervention et m'a dit qu'il habitait Grenoble, qu'il avait 3 enfants et qu'il était français. Qu'il viendrait témoigner pour moi.Qu'il s'appelait Moussa Sanou.« Sanou , c'est un nom de l'ethnie Bobo. Vous êtes de Bobo- Dioulasso ? » « Oui. » Nous nous sommes souri et je l'ai salué dans sa langue en Dioula.
Il se trouve que je vais justement créer un spectacle prochainement à Bobo-Dioulasso au Burkina-faso. La pièce qui est une adaptation de nouvelles de l'auteur Mozambicain Mia Couto s'appellera « Chaque homme est une race » et un des artistes avec lequel je vais collaborer se nomme justement Sanou. Coïncidence ? Je ne crois pas.
Je suis content d'avoir défendu un ami, même si je ne le connaissais pas encore.
La pièce commence par ce dialogue prémonitoire. Quand on lui demanda de quelle race il était, il répondit : « Ma race c'est moi. » Invité à s'expliquer il ajouta « Ma race c'est celui que je suis. Toute personne est à elle seule une humanité. Chaque homme est une race, monsieur le policier. »
Patrick Mohr, 28 juillet 2008
***
Chers amis, connus ou non,
…Car brusquement grâce à la vertu exponentielle d’Internet, mon cercle d’amis s’est élargi et des messages de soutien, de solidarité et de conseils ont afflué du monde entier.
J’avais envoyé mon témoignage à des amis et connaissances pour qu’ils sachent ce qui m’est arrivé cet été et ceux-ci l’ont diffusé à leur tour, ce qui a fait boule de neige.
Vous faites partie de ceux qui m’ont écrit pour m’exprimer votre soutien et parfois me demander ce que vous pouviez faire pour m’aider. Je vous réponds donc afin de vous tenir au courant de la suite de cette triste affaire d’agression par des CRS le 21 juillet dernier à 20h30 sur la Place du Palais des Papes en plein festival d’Avignon.
Mon procès aura finalement lieu le 13 octobre à 8h30 du matin au Tribunal de Grande Instance d’Avignon, 2 boulevard Limbert. Je ne sais pas exactement à quelle heure mon cas doit être jugé, mais ce sera dans la matinée. Je suis accusé du délit d’outrage à agents et rébellion. C’est le monde à l’envers. Me voici contraint de me défendre, alors que je me suis fait agresser, humilier et ai été détenu dans des conditions déplorables pour avoir osé intervenir poliment dans le cadre d’un contrôle d’identité que j’estimais discriminatoire sur des artistes africains.
On est dans la logique de la peur et de la répression. Comme de nombreux citoyens ayant eu le mauvais goût de s’exprimer, me voici forcé de faire face à des poursuites judiciaires onéreuses qui me prennent toute mon énergie. Je passe mon temps à voir des avocats, la Ligue des droits de l’homme ou des physiothérapeutes (je souffre toujours de douleurs aux vertèbres cervicales et dorsales et une partie de ma main droite n’a pas encore récupéré sa sensibilité suite aux lésions occasionnées par les menottes).
Que pouvez-vous y faire ?
Ceux qui se trouvent dans la région peuvent venir assister au procès.
Ceux qui connaissent des responsables politiques ou culturels peuvent les sensibiliser à travers cette histoire au problème des dérapages possibles des forces de l’ordre.
Ceux qui veulent m’aider à faire face aux dépenses engendrées par cette malheureuse affaire (frais d’avocats, de transport, de citation de témoins etc.) peuvent verser une contribution sur le compte postal que j’ai ouvert à cet effet : CCP 10-190329-5 code IBAN CH92 0900 0000 1019 03295 code SWIFT POSICHBE : je m’engage à reverser tout surplus éventuel à la section suisse de la Ligue des Droits de l’Homme.
Malgré les circonstances, je ne veux pas oublier de vivre, de créer et d’utiliser mes armes que sont le théâtre, la parole, l’image. Pour cela, je pars 2 jours après mon procès pour créer « Chaque homme est une race » au Burkina-Faso puis au Mali. Je serai de retour à la fin de l’année à Genève. Ce sont mes projets qui me tiennent debout et c’est à travers eux que je veux exorciser cette violence et la transformer sur scène afin de ne pas devenir amer et aigri.
Si vous faites circuler cette info, je vous prie de ne pas joindre mes coordonnées mail, et de ne pas m’écrire sauf dans des cas de grande importance, car je ne parviens plus à faire face à l’élan de solidarité qui me réchauffe le cœur mais risque de me submerger.
Veuillez recevoir mes salutations les plus cordiales, et à bientôt, peut-être au tribunal, ou sur des planches plus inspirantes.
Patrick Mohr
http://2plusn.blog.lemonde.fr/2008/10/08/patrick-mohr-avant-le-13-octobre/
***
Chers amis, mon procès viens d’être repoussé à l’année prochaine.
Je ne connais pas encore les dates, mais je vous les communiquerais dès que je les saurais.
C’est très compliqué d’essayer d’avertir tout ceux qui voulaient venir me soutenir, alors je vous demande de m’aider à diffuser cette information pour que des gens ne se déplacent pas pour rien.
Finalement ma plainte devrait pouvoir être entendue en même temps que celle des CRS, ce qui change tout car je n’irais pas seulement pour être jugé comme coupable “d’outrage et de rébellion” mais pour tenter d’obtenir justice.
les infos circulent sur pleins de sites que je ne connais même pas et des tas de journalistes allaient se déplacer pour couvrir l’évènement alors Si vous en connaissez avertissez les SVP. C’EST URGENT!
Je pars créer “Chaque homme est une race” au Burkina -faso mercredi 15 et serais de retour le 20 décembre.
Merci de ne pas m’écrire, sauf pour des cas très importants car je suis débordé , et même si les messages de solidarité me réchauffent le coeur je ne parviens plus à y répondre.
J’essaierai de vous tenir au courant.
la route est longue , longue , longue…..
Amitié
Patrick Mohr
http://2plusn.blog.lemonde.fr/2008/10/13/patrick-mohr-juge-aujourdhui-ou-en-2009/
photo copyright Odyssée Médiathèque - Médiathèque Municipale d'Eybens