07 juin 2011

Sri Lanka, deuxieme

J'aurais voulu arriver par bateau, comme André Chevrillon il y a 122 ans. Mais il n'y a pas de liaison maritime passagers entre l'Inde et le Sri Lanka, j'ai donc dû me contenter de l'avion. Ainsi, au lieu de voir se profiler dans l'horizon brumeux une ligne verte de cocotiers, ce sont les volutes de la côte autour de Jaffna qui m'ont annoncé Ceylan. Après avoir survolé presque toute l'Inde en diagonale (de Delhi à Chennai-Madras), alors que l'essentiel du paysage est jaune et desséché (y compris le cours des fleuves), la belle Lanka déroule son tapis de verdure au milieu de l'océan. Les cocotiers semblent des millions de petits feux d'artifice qui recouvrent presque toute la terre de leur scintillement. Les routes sont bel et bien rouges et les lacs, les étangs et les rivières donnent presque des allures finlandaises à cette île des tropiques. Les maisons sont coiffées de vrais toits de tuiles rouges qui tranchent admirablement sur la végétation et qui me consolent des éternels toits-terrasses indiens en me rappelant un peu mon sud français. Plus on descend, plus les cocotiers ressemblent à des feux d'artifice, figés dans leur éclat et dynamiques à la fois.
La première odeur à la descente de l'avion est un parfum : celui des fleurs de jasmin qui ornent la coiffure de la dame qui me précède, typique des femmes de Chennai. Les gens sont beaux, l'ambiance est très sereine.
Pris un taxi pour Kandy et dès la sortie de l'aéroport, je me crois à la campagne. Une route toute simple à deux voies, mais en meilleur état que celles que j'ai prises en Inde, où on klaxonne gentiment pour se faire remarquer et dont est absente toute traction animale. Beaucoup de vélos et d'auto-rickshaws, quelques camions, des voitures. Une vitesse moyenne de 40-50 km/h, trois heures pour faire un peu plus de cent kilomètres. Beaucoup d'hommes (surtout à partir de la cinquantaine) sont vêtus d'un long pagne, les tissus ressemblent parfois à ce que l'on appelle chez nous le madras. Les femmes portent un sari (à l'indienne ou à la sri lankaise, avec un petit volant supplémentaire à la taille) ou une jupe, pas de pantalon pour elles non plus, sauf pour les plus jeunes. Toutes les rues et les maisons sont ornées du drapeau bouddhiste et de lampions en papier (ou tissu ?) - c'était l'anniversaire des 2600 ans de la naissance du Bouddha il y a quelques jours. De temps en temps, on croise un temple ou une statue de Bouddha isolée ; le pauvre n'a pas été épargné par le kitsch... Certains lieux ressemblent à des stands de fête foraine, avec force lumières clignotantes et couleurs clinquantes. Pas très différents du petit Bouddha du tableau de bord dans le taxi...
Un certain nombre de panneaux en anglais, la plupart en cinghalais et/ou en tamil, jolies lettres tout en boucles et en frisottis. Je ne comprends pas un mot de ce qui se dit à la radio, les discours ne sont pas émaillés d'autant de mots anglais qu'en Inde.
La route monte monte monte, notre vitesse baisse en proportion. Kandy est à un peu plus de 500 m d'altitude. L'hôtel que l'on m'a indiqué est superbe : une grande chambre pour moi seule, hauts plafonds, boiseries brun sombre sur murs blancs, le crissement des insectes comme bruit de fond, rarement un véhicule sur cette route à l'écart. Le serveur a su compenser son anglais basique par un sourire infatigable. Les calamars du dîner sont succulents, le riz rond perle sur ma langue, même les draps sont veloutés. J'aime ce pays et je m'y sens incroyablement bien.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ma fille chérie,
J'aime beaucoup ce texte; c'est notre Alexandra David Neel à nous arrivant à Lanka; encore beaucoup d'émotion, et de brume ...
Justin, prolongement de ta main, de tes yeus, de ton coeur, me ravit encore et encore..
Que de couleurs, presque d'odeurs, d'ambiances...
Merci de nous faire partager tout ça.
A quel éditeur puis je envoyer ces lignes ? Quelle belle entrée en matière ...
je t'embrasse tendrement
Maman