30 octobre 2009

Suite de l'histoire, épisodes 3 et 4

Résumé des deux derniers épisodes "visite au centre de rétention administrative de Nîmes".
Ma visite du mercredi 21 octobre n'a pas été très folichonne. Je n'avais rien préparé de spécial, j'étais allée à la gare sous la pluie donc j'étais trempée et elles n'avaient pas le moral. Nous avons un peu parlé de Dieu, surtout l'une d'elles. Je lui ai demandé si elle voulait que je lui organise la visite d'un prêtre, elle m'a dit oui. C'est en cours. Pour détendre un peu l'atmosphère, j'ai essayé de parler du temps, plus ou moins pour leur dire -un peu comme une blague- "vous avez de la chance d'être dedans, dehors il fait un temps affreux". Mais ça n'a pas marché ; je leur ai montré mon jean mouillé jusqu'aux cuisses et elles m'ont dit "tu veux qu'on soit désolées pour toi ?". J'ai eu honte.
J'ai rebondi un peu sur cette histoire de Dieu, comme quoi "nous sommes tous frères", etc. Je leur ai dit que si Dieu nous avait tous faits à notre image, nous étions tous assez malins et assez forts pour nous sortir de n'importe quelle situation. Pas sûre que cela ait fait son effet.
Nous avons parlé de notre cher président, je leur ai dit que tout le monde n'était pas d'accord avec sa politique mais que pour l'instant on ne pouvait pas faire grand'chose. Et que même s'il allait à l'église, ça ne voulait pas dire grand'chose.
Je suis repartie de là le coeur lourd, en prenant conscience des limites de ce que je pouvais apporter. Constat amer mais nécessaire.

Mercredi dernier, le 28, c'était tout différent. J'avais rendez-vous avec le prêtre que j'avais trouvé mais je ne l'ai pas appelé pour confirmer donc il n'est pas venu. Dommage. Arrivée au centre, j'y ai croisé Caroline, que j'avais rencontrée le jour de l'audience et qui venait de leur faire une visite. J'ai échangé quelques mots avec elle, ce sera utile de rester en contact. Et j'ai trouvé mes deux demoiselles d'humeur joviale ! Je leur avais porté un numéro de National Geographic en anglais, avec une carte du monde (qui les a laissées baba - "c'est tout ça le monde ?") et plein de jolies photos. J'ai vu qu'elles n'étaient pas si illétrées que ça, du moins pour l'une des deux. Je leur ai laissé le magazine avec le stylo qui m'avait servi à marquer des mots qu'elles devaient pouvoir reconnaitre. J'espère qu'ils ne leur ont pas été confisqués et qu'elles auront pu s'entrainer à lire. Elles m'ont demandé si je pouvais leur apporter des chaussures et des chaussettes, mais Caroline m'a bien dit qu'elle leur en avait déjà porté. Je leur ai donné mon numéro de portable et pris le leur. Elles m'ont demandé des nouvelles de mes amis dont je leur ai montré la photo. Ils se reconnaitront.
Caroline m'a dit qu'elles seraient certainement relâchées à la fin de la durée règlementaire (32 jours au total, reconductible pour deux semaines - ce serait pour elles dans trois semaines), mais toujours sans papiers. Ce qui veut dire que le cirque peut recommencer n'importe quand, il suffit que les policiers nîmois fassent un peu de zèle et zou "allez directement en prison, ne passez pas par la case départ, ne touchez pas 2.000 francs". Mais visiblement, elles préfèrent cette perspective à celle de rentrer au Libéria, ce qui se comprend quand même.
Je leur ai dit que je ne pourrai pas revenir les voir la semaine prochaine (je travaille, ce qui en soi est quand même une bonne nouvelle) mais j'ai dit à Caroline que j'y retournerai peut-être la semaine suivante. Nous nous tiendrons au courant.

Voilà pour aujourd'hui.
Un grand merci à tous pour votre soutien.

PS : Hier France Inter a diffusé un reportage sur les centres de rétention. Vous pouvez télécharger l'émission ici.

25 octobre 2009

Récolte du miel

Avec un peu de retard, voilà les photos de la récolte du miel chez mon père fin septembre. J'aime bien avoir les doigts qui collent... :-) (Désolée pour l'absence d'ordre chronologique, c'est blogger qui marche pas comme je voudrais.)



La Fabienne qui s'essaye au couteau à désoperculer : assez physique mais ô combien gratifiant !...

La petite soeur qui fait le pitre devant l'armoire chauffante (à gauche) et le bac sur lequel on désopercule (sa dénomination exacte m'est inconnue... papa ?)

Petit tour dans le jardin, où sèchent les courges...

On tourne les cadres désoperculés, ça projette le miel sur les parois de l'extracteur et il coule jusque dans le seau. Au soleil, c'est magnifique, on dirait des fils de caramel.


Et forcément, les gourmand(e)s y mettent les doigts...

La main assurée de l'apiculteur en chef...

Un peu de vaisselle avant de commencer...

Beaucoup de vaisselle avant de commencer...

Et encore avant, l'atelier de tapisserie se transforme en atelier d'apiculture.

Présentation sur la vie des abeilles, en occitan siouplé...

Quand on fixe l'extracteur au sol, il risque moins de se transformer en fusée en partance pour la Lune... ou le Soleil, d'ailleurs.


Petite randonnée dans les Cévennes

Après un mois passé à Montpellier quasiment non-stop, j'avais besoin de m'oxygéner. Chose faite aujourd'hui avec une petite randonnée dans les Cévennes.








Cirque Rasposo

Pour l'anniversaire de ma maman, je nous ai emmenés voir le dernier spectacle de la Compagnie Rasposo, "Le cri du dindon". Comme c'était une soirée magnifique, je voulais vous la faire partager un peu... A voir absolument si vous les recevez près de chez vous.




20 octobre 2009

Je vous souhaite assez

Récemment, un père et sa fille dans leurs derniers moments ensemble à l'aéroport. On avait annoncé le départ.

Debout près de la porte de sécurité, ils se sont serrés et le père a dit « Je t'aime et je te souhaite assez. »

La fille a répondu « Papa, notre vie ensemble a été plus qu'assez. Ton amour a été tout ce dont j’avais besoin. Je te souhaite assez, aussi, papa. »


Ils se sont embrassés et la fille est partie. Le père a marché vers la fenêtre où j'étais assis.. Je pouvais voir qu’il avait besoin et qu’il voulait pleurer. J'ai essayé de ne pas m'imposer et respecter son intimité, mais il m'a demandé « Vous est-il déjà arrivé de dire au revoir à quelqu'un en sachant que vous ne vous reverriez jamais ? »

« Oui. » j'ai répondu. « Me permettez-vous de vous demander pourquoi vous croyez que vous ne vous reverrez jamais ? ».

« Je suis vieux et elle vit si loin. J'ai de gros défis devant moi et la réalité est que son prochain voyage sera pour mon enterrement» a-t-il dit.

« Quand vous vous disiez au revoir, je vous ai entendu dire « Je te souhaite assez. » Est-ce que je peux vous demander ce que cela signifie ? »

Il a commencé à sourire. « C’est un souhait qui nous vient de plusieurs générations qui nous ont précédé. Mes parents avaient l'habitude de le dire à chacun. » Il a fait une pause un moment et regarda au plafond, comme s’il essayait de se rappeler en détail, et il a souri encore plus. « Quand nous disons « Je te souhaite assez » nous souhaitons que l'autre personne ait une vie remplie de juste assez de bonnes choses pour les garder heureux. » Alors, se tournant vers moi, il a partagé ce qui suit comme s’il récitait un texte mémorisé.

" Je te souhaite assez de soleil pour maintenir ton attitude lumineuse, même si la journée est grise et moche.

Je te souhaite assez de pluie pour apprécier le soleil encore plus.

Je te souhaite assez de bonheur pour maintenir ton esprit vivant et éternel.

Je te souhaite assez de douleur de sorte que même la plus petite des joies dans la vie puisse te sembler grande.

Je te souhaite assez de gain pour satisfaire tes besoins.

Je te souhaite assez de perte pour apprécier tout ce que tu possèdes.

Je te souhaite assez d’Au revoir pour te permettre de bien te rendre à l’Au revoir final."

Il a alors commencé à pleurer et il s’est éloigné...


Je vous souhaite assez.

18 octobre 2009

Mémoire des couleurs

Je vous invite à découvrir le projet "Mémoire des couleurs" ici ; une entreprise humaine, esthétique, spirituelle et très politique aussi.

15 octobre 2009

Suite de la petite histoire

Hier mercredi 14 octobre je suis allée au centre de rétention administrative de Nîmes pour rendre visite aux deux Libériennes dont je vous ai parlé dans mon précédent billet. Je n'ai jamais fait de visite en prison, mais j'imagine que les conditions doivent y être similaires : j'ai dû laisser ma carte d'identité, mon sac et tout ce que j'ai pris avec moi a été examiné, voire remis en question, les deux flacons de lait et mon crayon notamment.
Finalement, j'ai pu voir les deux demoiselles dans une petite pièce où nous étions seules. Elles n'avaient pas mis leurs jolis cheveux comme le jour de l'audience au tribunal administratif. F. portait des petites tresses qui lui couraient comme des serpents sur la tête et S. avait simplement les cheveux courts. J'ai vu tout de suite que j'avais bien fait de leur apporter à chacune un flacon de lait-hydratant-qui-sent-bon, car F. avait la peau du visage très sèche. S. était enveloppée d'une couverture, c'est vrai qu'il faisait très froid hier à Nîmes.
Je leur ai offert mon petit cadeau et je leur ai expliqué qu'elle pouvait l'utiliser sur tout le corps. Elles ont eu l'air d'apprécier. Elles étaient un peu plus loquaces que lors de l'audience, elles parlent un bon anglais, mais j'ai senti qu'elles pesaient tout ce qu'elles disaient. Quand je leur ai demandé quelle langue elles parlaient entre elles, elles m'ont dit "English" mais j'ai bien entendu que c'était une autre langue.
Je leur ai demandé comment ça se passait pour elles, elles n'étaient pas enchantées. Les gardiens n'ont pas l'air des plus tendres, corrects néanmoins, j'imagine qu'il ne doit pas y en avoir beaucoup qui leur parle en anglais. Elles m'ont dit que la nourriture n'était pas terrible : "no salt, no taste" (pas de sel, pas de gout). Je leur ai demandé ce qu'elles avaient l'habitude de manger chez elles, elles ont été très évasives. S. a dit que son plat préféré était le riz. J'ai senti qu'elles ne voulaient pas parler de leur passé, de leurs origines, donc je n'ai pas insisté. Les collaboratrices de la CIMADE vont les voir tous les jours, moi j'y suis allée simplement pour les distraire un peu. Je ne sais pas trop si j'ai réussi.

Je leur ai montré des photos que m'avaient envoyées quelques amis ainsi qu'une de ma famille. J'en ai profité pour leur dire qu'il me semblait important qu'elles apprennent à lire et à écrire. Elles m'ont montré ce qu'elles savaient déjà, l'alphabet, puis nous avons écrit les prénoms des gens sur les photos. Elles savent écrire des mots simples, mais ça s'arrête là. Et comme autour d'elles personne ne parle anglais et qu'elles n'ont pas le droit d'avoir de livres ni de stylos, elles ne peuvent pas s'entrainer. Mais elles ont examiné les flacons de lait et ce qui était écrit dessus (seulement en français, malheureusement). Je leur ai expliqué ce que voulait dire "le petit marseillais". Puis j'ai voulu leur expliquer que le karité et l'huile d'argan venaient d'Afrique. Le Maroc a eu l'air de leur être inconnu. Elles sont au moins reparties avec les photos, les quelques mots que nous avons écrits dessus et les quelques euros que je leur ai laissés, pour s'acheter à manger. Je leur ai aussi fait parvenir une carte téléphonique à leur demande. La prochaine fois j'essaierai de leur apporter un texte en anglais, voire un livre.

J'ai passé une demi-heure avec elles, c'était plutôt détendu, plutôt seulement mais c'est mieux que rien. Nous avons même rigolé un peu. S. m'a prise dans ses bras quand je suis partie. Je leur ai dit que je reviendrai les voir mercredi prochain. D'après le policier qui m'a fait entrer, elles devraient être encore là. Les séjours en centre de rétention sont limités à 32 jours, elles y sont depuis une semaine maintenant. Les démarches sont encore en cours pour les en sortir. Si elles sont quand même expulsées, ça prendra du temps parce qu'il faut contacter l'ambassade et que ça n'a pas l'air d'aller vite.

10 octobre 2009

Petite histoire

Aujourd'hui samedi 10 octobre 2009 j'ai travaillé une petite heure comme interprète lors d'une audience du tribunal administratif de Nîmes. Il s'agissait du recours de deux Libériennes contre leur arrêté d'expulsion émis par le préfet. L'une d'elles au moins ne sait ni lire ni écrire, l'autre a une énorme cicatrice sur le visage, toutes les deux parlent anglais. Le recours a été rejeté. Elles sont retournées au centre de rétention de Nîmes où je vais essayer d'aller les voir mercredi, sans savoir si elles y seront encore.
C'est la CIMADE qui s'occupe de leurs démarches. Il est très difficile de connaitre la vérité sur leur situation, parce qu'elles parlent très peu. Elles disent que leur famille a été tuée et qu'elles risquent leur vie si elles retournent au Libéria. Le recours a été rejeté sur le motif qu'elles n'ont pas explicitement fait de demande d'asile (alors qu'elles ne savent pas ce que cela veut dire) et qu'elles n'apportent pas de preuves que leur famille a été tuée et que leur vie serait menacée en cas de retour dans leur pays.
La collaboratrice de la CIMADE présente à l'audience m'a expliqué ce qui s'était vraisemblablement passée car elle connait de nombreuses situations similaires. Après l'assassinat de leur famille, "un gentil monsieur" les a mises sur un bateau, probablement en lui promettant l'Eldorado. Un autre "gentil monsieur" les a pêchées à l'arrivée en France et envoyées à Nîmes où encore un autre "gentil monsieur" les a "recueillies" et mises sur le trottoir pour "travailler". Elles sont hébergées à l'hôtel, auquel elles payent un loyer astronomique, qui correspond en fait à ce qu'elles payent au mac. Ce sont souvent les macs qui les aident à remplir leur demande d'asile. Sauf que ces mêmes macs doivent être introuvables lorsque les flics cherchent à remplir leurs quotas d'expulsions. Donc ce sont elles qu'ils embarquent. Ces femmes sont traumatisées par ce qu'elles ont vécu dans leur pays, arrivées ici elles sont les victimes des réseaux, elles ont certainement honte d'être sur le trottoir, elles n'ont évidemment aucun papier ; résultat elles ne parlent pas et il est donc difficile de les aider.
De celles que j'ai vues aujourd'hui, l'une est arrivée en France le 14 septembre ; elle avait l'air terrorisée, elle a pleuré à l'annonce du verdict (que j'ai dû lui traduire) ; l'autre est là depuis plus longtemps, elle a l'air plus endurci.

Sont donc impliqués dans ce genre d'histoire, en vrac : ceux qui massacrent des familles libériennes, ceux qui abusent de la situation des filles survivantes, ceux qui les mettent sur les bateaux (et le capitaine du bateau ?), ceux qui les récupèrent et qui les envoient dans d'autres villes, ceux qui les exploitent, les tenanciers d'hôtel qui ferment les yeux, les clients qui payent pour les "services" de ces femmes, les policiers qui les pêchent sur le trottoir, le ministre de l'intérieur et le chef de l'Etat qui mettent en place des quotas d'expulsions, la majorité des Français qui a voté pour qu'un tel gouvernement puisse être mis en place, le préfet qui signe les arrêtés d'expulsion, les policiers chargés de la garde à vue qui font dire aux femmes ce qu'il faut, le magistrat qui rejette la demande d'annulation de l'arrêté d'expulsion, l'Etat qui autorise des organisations telles que la CIMADE à travailler dans un cadre prévu par la loi pour la protection des demandeurs d'asile mais sans leur fournir les moyens suffisants (en personnel et en formation) pour qu'elles mènent à bien leur mission, Fabienne qui n'a pas voté mais qui doit expliquer à ces deux femmes que l'issue de leur situation n'est pas (encore) désespérée.
Acceptons-nous ?

pour des cadeaux bouddhistes ou tout simplement jolis

C'est ici : http://www.grainedelotus.com/

02 octobre 2009

Pour bien commencer la journée, tous les jours

Marie-Pier Charron propose de nous envoyer (gratuitement) tous les jours de la semaine un courriel avec une citation destinée à nous faire du bien, de façon générale. C'est peut-être mieux que d'écouter la radio, non ?
Détails et inscriptions sur www.matinmagique.com