15 octobre 2009

Suite de la petite histoire

Hier mercredi 14 octobre je suis allée au centre de rétention administrative de Nîmes pour rendre visite aux deux Libériennes dont je vous ai parlé dans mon précédent billet. Je n'ai jamais fait de visite en prison, mais j'imagine que les conditions doivent y être similaires : j'ai dû laisser ma carte d'identité, mon sac et tout ce que j'ai pris avec moi a été examiné, voire remis en question, les deux flacons de lait et mon crayon notamment.
Finalement, j'ai pu voir les deux demoiselles dans une petite pièce où nous étions seules. Elles n'avaient pas mis leurs jolis cheveux comme le jour de l'audience au tribunal administratif. F. portait des petites tresses qui lui couraient comme des serpents sur la tête et S. avait simplement les cheveux courts. J'ai vu tout de suite que j'avais bien fait de leur apporter à chacune un flacon de lait-hydratant-qui-sent-bon, car F. avait la peau du visage très sèche. S. était enveloppée d'une couverture, c'est vrai qu'il faisait très froid hier à Nîmes.
Je leur ai offert mon petit cadeau et je leur ai expliqué qu'elle pouvait l'utiliser sur tout le corps. Elles ont eu l'air d'apprécier. Elles étaient un peu plus loquaces que lors de l'audience, elles parlent un bon anglais, mais j'ai senti qu'elles pesaient tout ce qu'elles disaient. Quand je leur ai demandé quelle langue elles parlaient entre elles, elles m'ont dit "English" mais j'ai bien entendu que c'était une autre langue.
Je leur ai demandé comment ça se passait pour elles, elles n'étaient pas enchantées. Les gardiens n'ont pas l'air des plus tendres, corrects néanmoins, j'imagine qu'il ne doit pas y en avoir beaucoup qui leur parle en anglais. Elles m'ont dit que la nourriture n'était pas terrible : "no salt, no taste" (pas de sel, pas de gout). Je leur ai demandé ce qu'elles avaient l'habitude de manger chez elles, elles ont été très évasives. S. a dit que son plat préféré était le riz. J'ai senti qu'elles ne voulaient pas parler de leur passé, de leurs origines, donc je n'ai pas insisté. Les collaboratrices de la CIMADE vont les voir tous les jours, moi j'y suis allée simplement pour les distraire un peu. Je ne sais pas trop si j'ai réussi.

Je leur ai montré des photos que m'avaient envoyées quelques amis ainsi qu'une de ma famille. J'en ai profité pour leur dire qu'il me semblait important qu'elles apprennent à lire et à écrire. Elles m'ont montré ce qu'elles savaient déjà, l'alphabet, puis nous avons écrit les prénoms des gens sur les photos. Elles savent écrire des mots simples, mais ça s'arrête là. Et comme autour d'elles personne ne parle anglais et qu'elles n'ont pas le droit d'avoir de livres ni de stylos, elles ne peuvent pas s'entrainer. Mais elles ont examiné les flacons de lait et ce qui était écrit dessus (seulement en français, malheureusement). Je leur ai expliqué ce que voulait dire "le petit marseillais". Puis j'ai voulu leur expliquer que le karité et l'huile d'argan venaient d'Afrique. Le Maroc a eu l'air de leur être inconnu. Elles sont au moins reparties avec les photos, les quelques mots que nous avons écrits dessus et les quelques euros que je leur ai laissés, pour s'acheter à manger. Je leur ai aussi fait parvenir une carte téléphonique à leur demande. La prochaine fois j'essaierai de leur apporter un texte en anglais, voire un livre.

J'ai passé une demi-heure avec elles, c'était plutôt détendu, plutôt seulement mais c'est mieux que rien. Nous avons même rigolé un peu. S. m'a prise dans ses bras quand je suis partie. Je leur ai dit que je reviendrai les voir mercredi prochain. D'après le policier qui m'a fait entrer, elles devraient être encore là. Les séjours en centre de rétention sont limités à 32 jours, elles y sont depuis une semaine maintenant. Les démarches sont encore en cours pour les en sortir. Si elles sont quand même expulsées, ça prendra du temps parce qu'il faut contacter l'ambassade et que ça n'a pas l'air d'aller vite.

Aucun commentaire: