28 janvier 2011

Premier jour en Inde...

jeudi 27 janvier, London Heathrow

 

            Dans la rubrique "j'ai testé pour vous" : la salle de prière multi-confessions de l'aéroport de Londres Heathrow (multi-faith room). On se déchausse avant d'y entrer, il y a une salle pour les ablutions. Elle ne fait pas plus d'une dizaine de mètres carrés. Quand j'y entre, cela doit être l'heure de la prière, La Mecque doit être en face, un peu sur la gauche. Aucun panneau ne l'indique pourtant - est-ce que les musulmans ont toujours une boussole sur eux pour savoir dans quelle direction s'incliner ? En tout cas, ces trois-là sont bien parallèles, le quatrième, qui arrive ensuite, aussi. Ce sont visiblement tous des employés de l'aéroport. Sur le mur d'en face, l'écran avec les prochains vols au départ et une armoire avec les tapis à prière et divers documents pour toutes les religions : islam, sikhisme, christianisme, bouddhisme (étagère vide). La porte n'est pas fermée, on entend le bourdonnement de l'aéroport et les annonces des vols. Je médite quelques minutes.

            J'apprécie d'avoir ce temps, de l'attente pure, la vie pure. Sans rien de spécial à faire, juste à être. Être là. En ayant confiance que le moment finira bien par arriver où il faudra à nouveau agir. Mais pour l'instant il semble si loin qu'il n'existe pas. N'existe que cette bulle d'ici et maintenant – les gens qui vont et viennent, ceux qui sont assis, un rire, des verres qui tintent en cuisine, des annonces en néerlandais, en espagnol, en italien. Et si cela durait toujours, ce ne serait pas différent. L'éternité est au cœur de l'instant.

 

 

vendredi 28 janvier, Mumbai (Bombay)

 

            Les instants de la nuit ont été pleins d'éternité… Essayer de se détendre et de dormir malgré le bruit des moteurs, l'exiguïté du siège, les pieds qui gonflent. Ne pas trop penser à ce qui arrive, mais être présente par tous les sens à cette bulle d'instant dont on ne sort jamais. Les Indiens autour de moi sont entourés d'une bulle de leur pays, ils m'y transportent déjà un peu. Infiltration en douceur, avant l'immersion totale.

            Dans l'avion, pas de gout pour la lecture, ni pour la musique, ni pour les films, malgré l'étendue du choix. La tête est déjà trop pleine de bruit et de temps condensé. De temps en temps un coup d'œil par le hublot : longtemps seulement du noir et quelques étoiles. Puis, sans aurore légère – j'ai bien dû dormir un peu –, le soleil triomphant, l'immensité blanche. Les montagnes qui bordent le Golfe Persique puis l'immensité bleue, piquée çà et là d'un confetti pointu à la proue et suivi d'un sillage d'écume.

            Et tout d'un coup, la côte. Des plages, des rochers et surtout… des palmiers. Ceux-là même qui envahissent les pages de Chevrillon et dont la présence me surprend de façon incompréhensible. Je réalise brutalement où je suis : dans le Sud de l'Inde. Ce pays surgit à ma pensée sous la forme de petits feux d'artifice vert sombre. J'en suis toute interdite – ni choquée, ni paniquée – comme à mon arrivée à l'aéroport de Shanghaï en mars 2006 – seulement profondément surprise.

            Et puis on avance vers l'intérieur des terres, et puis on atterrit, et la surprise disparait. Et être là devient la chose la plus naturelle au monde. Bien sûr, ces palmiers, bien sûr, cette poussière qui jaunit tout, bien sûr, cette chaleur que l'on devine sous ce ciel voilé, bien sûr, ces hommes en uniforme affalés sur des chaises en plastique ou debout, l'air désœuvré.

            Dans les couloirs de l'aéroport, l'odeur un peu douceâtre de la chaleur mêlée à celle, poussiéreuse, des climatiseurs et, plus loin,  à celle de savon bon marché. Le tout sur fond de musique locale, du genre de celle qu'on trouve chez nous au rayon "relaxation". L'immersion se fait en douceur, je ne me noie pas.

            Puis retiré des espèces : Gandhi est sur tous les billets. Pris un taxi pré-payé pour aller chez Swapan. Le chauffeur a l'air de savoir où il va. De toute façon, je suis bien obligée de lui faire confiance. Le véhicule est un petit machin bas d'où je ne vois pas grand chose. Mais il valait mieux ça qu'un rickshaw, même motorisé, pour transporter ma valise de 25 kg Autour de l'aéroport, des travaux partout, une circulation fourmillante, bruyante, une frayeur tous les dix mètre – mais sans agitation ; il s'agit juste de s'imposer, fermement. Les souvenirs de la Chine sont partout et me rendent cet environnement à la fois très familier et agréablement nouveau.

            Ce qui me frappe, et dont il me semble que les Chinois ne l'avaient pas, c'est l'indolence de ces gens – à moins qu'elle ne naisse dans mon esprit, marqué par les préjugés et les poncifs. Personne ne connait les trottoirs, ils semblent réservés aux vendeurs de légumes, la chaussée doit donc être partagée entre les piétons, quelques cyclistes et des véhicules de tailles très variées. Chacun avance comme il peut, se pousse quand vraiment ça ne passe pas, tout en continuant sa conversation. J'ai gardé de la Chine une impression d'une plus grande agressivité, de plus de hargne ; je m'y étais faite, puisque j'ai conduit à vélo et en scooter électrique dans ce flot. Mais ici l'ambiance me semble plus douce.

            Swapan m'a accueillie très simplement, il m'a mise très à l'aise. Nous avons discuté un peu – après s'être converti au christianisme suite à son séjour en Inde, il songe à se faire bouddhiste Après avoir envoyé quelques textos et posté un statut facebook rassurant, je suis allée m'allonger. La température fait que toutes les fenêtres sont ouvertes, donc la vie de la rue est aussi dans la chambre. Mais nous sommes dans un ensemble résidentiel où le trafic – et le bruit – est tout à fait raisonnable.

            Après une douche, je suis allée faire le tour du complexe. Cela m'a pris une heure et je n'ai pas vu grand chose car c'est un espace clos ; mais je suis quand même en Inde. Je trouve beaux la plupart des gens que je croise, là encore une différence avec la Chine – les femmes en sari, les hommes en chemise, le teint du très clair au très foncé. Certains me fixent, d'autres semblent ne pas me voir, je suis quand même un peu gênée de ne pas pouvoir passer inaperçue. Je n'ai croisé aucun autre Occidental dans toute ma promenade.

            La majorité des panneaux sont en anglais, certaines affiches uniquement en hindi ? ou en marathi ? Il faut que je me mette au moins à l'hindi – l'écriture est belle et le son mélodieux. En Chine il me semblait que les gens passaient leur temps à se disputer alors qu'ils discutaient normalement ; ici, on dirait plutôt qu'ils chantent ou qu'ils récitent du théâtre

            Le diner arrive, rien mangé depuis le petit-déjeuner dans l'avion

            La température est idéale, l'appartement de Swapan est agréable, l'hôte très accueillant, je suis en forme et en paix avec ce que je vais découvrir dans ce pays.

4 commentaires:

LisaAnderson a dit…

Fabienne hi this is Lisa (nee Anderson). I joined this so i could read your blogs, after I saw your link to it on facebook. May I tell you that you are a truly beautiful woman, deeply inspired by humanity and as much inspiring to it. I look forward to following your journey through your blogs, it will make me so happy gaining from your experience and soulful perspective. Wishing you much love and fulfilling experience xoxoxoxoxox

Astia a dit…

Bonjour Fabienne,
Hâte de vous suivre dans votre périple en Inde dans le sud de l'Inde, vous n'êtes encore qu'à l'ouest du pays.

Vos réflexions très justes diffèrent de celles des autres voyageurs par la comparaison que vous faîtes avec la Chine et donc très intéressantes pour moi qui ne connaît que l'Inde.

J'aime également votre écriture dont les mots révèlent votre manière de penser et de vous exprimer.
A bientôt,

Astia

Fabienne a dit…

Hi Lisa! Nice to have you here! And thank you for your words. All these things I do also in order to share them with my dear ones, and you're definitely one of them :)

Bonjour Astia!
Merci pour votre message et vos encouragements. Vous avez deja voyage en Inde ?

Fabienne

Suzanne a dit…

Fabienne, c'est juste magnifique.
Comment te dire ça autrement, sans tomber dans des superlatifs galvaudés ? Je prends seulement aujourd'hui le temps de te lire - et j'en reste bouleversée. Ton écriture est belle, simple et raffinée. Légère, comme le temps suspendu que tu as su apprécier. Chaleureuse, comme cet air tout chargé de soleil et de poussière qui t'a accueillie dès ton arrivée. A ton image, quoi.
Continue comme tu le fais à tout absorber, intensément, dans la joie, l'étonnement, l'amour - et ensuite viens encore nous faire partager! Je suis si fière d'avoir une amie comme toi... Je t'embrasse très très fort.